Projet de Mathilde Jallot - lauréate du concours

Nami Nokori

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Nami Nokori
Maquette à échelle 1
Laque végétale japonaise Urushi sur papier
Dimensions : 253,2 cm x 96,7 cm
jallot.mathilde gmail.com

Note d’intention

Projet de Mathilde JALLOT
Artiste laqueure (laque végétale japonaise urushi)

Nami-nokori désigne au Japon l’empreinte laissée sur le sable après le passage des vagues.
Ces paysages de reliefs sur le sable suggèrent beaucoup de choses sur le rythme de la mer, son mouvement, sa musique, sa force…

Je souhaite imaginer le décor de ce couvercle de clavecin comme un paysage d’ondes, que la musique de cet instrument laisserait dernière elle. Le son est pensé ici comme une matière à part entière, à l’image des vagues qui modèlent ce qui les entourent. Il est sculpté par son environnement comme le flux l’est avec les autres vagues. Le corps des sons se plissent, leur masses se rencontrent, ils se superposent, s’enchevêtrent, se mélangent, leurs couleurs se métissent. Certains s’oublient sous ce poids, d’autre réapparaissent des profondeurs, les plus légers restent en surface avant de plonger et de se diluer dans ce grand mouvement de flots.

Ma composition en laque tente d’incarner ce phénomène par l’enchevêtrement de « vagues » de couleurs et de transparences. La technique d’application de la laque fait échos à la mémoire des mouvements sonores que j’imagine se superposer et se mélanger. Les nombreuses et fines couches se posent successivement les unes sur les autres. Il y a toujours une influence sur la teinte ou la matière entre chaque épaisseur. Chaque passage sur la surface laisse une trace. La laque est toujours préalablement travaillée avant d’être appliquée (filtrée, mélangée, assemblée, diluée…). Le travail du ponçage de la surface dévoile ensuite une archéologie des « vagues de laque » antérieures. Le lustrage révèle en dernier lieu les transparences, les mouvements en profondeur, la brillance de la peau de la dernière couche de laque.

Imaginer le son comme une matière
physique à part entière,
un corps modelé par les résonnances.
Le cheminement de ce projet est de se
représenter une matière sonore, persistante.
et évoluant dans le temps. Mémoire d’un
paysage acoustique, de vagues, de laque,
Nami Nokori…

Détail de la composition de la maquette
Détail de la composition de la maquette

Techniques de réalisation du projet

Le projet sera entièrement réalisé en laque végétale japonaise urushi, dont j’ai reçu l’enseignement à l’École Nationale Supérieure des Arts Appliqué et des et Métiers d’art (ENSAAMA) de Paris. Un apprentissage que je perfectionne auprès du Maître et artiste laqueure Martine Rey à Voiron en Isère.

Définition de l’urushi :

  • Urushi est le terme employé pour désigner la laque végétale utilisée au Japon, provenant de l’arbre Rhus verniciflua. Ce matériau, exceptionnel à plus d’un titre, est connu pour être imperméable et avoir un fort pouvoir d’adhésion. Il se distingue aussi par son durcissement proche du verre et sa tolérance très élevée à la chaleur (400°C). Ajoutons à cela une résistance aux acides et solvants. ainsi que des qualités anti-germes. Les techniques de laque végétale constituent un savoir-faire plusieurs fois millénaire répandu dans toute l’Asie du sud-est. Les premières traces connues ont près de 7000 ans.
Détail échantillon : Motif de « vague », laque urushi
Détail échantillon : Motif de « vague », laque urushi

La préparation de la surface du couvercle comprendrait un entoilage et un apprêtage fin traditionnel (sabi) pour des questions d’adhérence, de solidité et de mouvements du bois.

L’ensemble serait recouvert en premier lieu de plusieurs couches de laque noire (kuro naka) pour homogénéiser la surface de travail. Cela comprend des étapes intermédiaires de polymérisation (séchage et durcissement de la laque par l’humidité et la chaleur dans un furo). Le ponçage à la main (papier de ponçage et charbon de bois) est également à réaliser pour permettre l’adhérence entre chaque couche posée au pinceau.

La composition se met en place par des appositions successives de vagues de laque (technique élaborée avec l’urushi depuis 2018). L’enjeu est de superposer des couches qui viennent dévoiler leurs textures et leurs nuances par le ponçage. La profondeur des couleurs se créée par la succession de fines couches de laque transparentes teintées. Le polissage à la main apporte une homogénéité de la surface permettant une texture brillante révélant les subtilités de profondeur dans la couleur et les détails texturés des motifs.

Détail échantillon : Motif de « vague », laque urushi Laque pigmentée au blanc de titane et poudre de nacre. Couches de laque shuaï et aka, ponçage.
Détail échantillon : Motif de « vague », laque urushi
Laque pigmentée au blanc de titane et poudre de nacre.
Couches de laque shuaï et aka, ponçage.

Laques utilisées :

Nuri urushi : colle d’entoilage à base de laque
Sabi : apprêt à base de laque
Jo-ki urushi : laque crue pour les premières couches d’apprêtage.
Kuro naka : laque noire, charge de charbon
Shiroi no urushi : laque blanche (charge de blanc de titane) et poudre de nacre
Poudres métalliques : (bronze, iriodine, étain, cuivre....)
Aka naka : (laque filtrée naturellement ambrée, elle a la consistance et la couleur d’un miel de châtaigner)
Jo-Shuai : laque aka huilée plus fluide et claire

Détail échantillon : Motif de « vague », laque urushi
Détail échantillon : Motif de « vague », laque urushi

Mathilde JALLOT, le 28 août 2022 à Voiron